Jeux et paris en ligne

15:27 02 février in Numérique

Jeux et paris en ligne

Paris en ligne : le bras de fer entre la France et l’Europe s’intensifie…

Projet de loi relatif à la prévention de la délinquance

C’est un véritable pied de nez que la France vient de faire à l’Europe en adoptant en première lecture le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.

Comme l’avait annoncé le Ministre de l’intérieur dans le cadre d’un plan d’action interministériel, ce projet contient des dispositions visant à renforcer la lutte contre les loteries, jeux et paris prohibés sur le Net. L’introduction de ces nouvelles dispositions témoigne de la volonté de l’Etat français de maintenir le système monopolistique existant en la matière pourtant sujet à de nombreuses controverses depuis quelques mois.

Rappelons, en effet, que le droit français pose le principe d’interdiction de toute opération, offerte au public, faisant naître l’espérance d’un gain et reposant sur le hasard (loi du 21 mai 1836). Deux lois datant des années 1930 posent néanmoins deux exceptions à ce principe en permettant, d’une part, à la Française des Jeux (FDJ) de proposer des jeux de hasard sur le territoire français et en attribuant, d’autre part, un monopole de l’organisation des paris sur les courses de chevaux au PMU.

Endiguer les risques de ce type d’activités

Ce système monopolistique, qui existe dans plusieurs pays d’Europe, a pour objectif d’endiguer les risques que ce type d’activités peut entraîner sur l’ordre social (création de réseaux mafieux, blanchiment d’argent, effets de conduite addictives pour les joueurs…).

Si l’objectif est louable, il n’en est pas moins apparu incompatible avec les exigences européennes dès l’année 2003. La Cour de Justice des communautés européennes jugeait en effet dans un arrêt du 6 novembre 2003 « qu’une réglementation nationale qui interdit (…) l’exercice d’activités de collecte, d’acceptation, d’enregistrement et de transmission de propositions de paris, notamment sur les événements sportifs, en l’absence de concession ou d’autorisation délivrée par l’état membre concerné, constitue une restriction à la liberté d’établissement et à la libre prestation de services prévues respectivement aux articles 43 et 49 du Traité CE» (CJCE 6 novembre 2003, Gambelli). La Haute Cour en tirait comme conséquence que les Etats européens ne peuvent déroger à ce principe que s’ils font preuve d’une politique de canalisation du jeu cohérente et systématique. En clair, un Etat membre ne peut invoquer la nécessité de limiter l’accès à ces services si, dans le même temps, il encourage ses citoyens à participer aux jeux nationaux de hasard ou aux paris organisés par des opérateurs nationaux. Et c’est là que le bât blesse. La FDJ et le PMU mènent, de toute évidence, depuis quelques années, une politique de développement très active des jeux et paris…

La position de la France

La France campe néanmoins sur ses positions. Ainsi, le 22 novembre dernier, la Cour d’appel de Paris confirmait la condamnation de la société de droit maltais Zetruf à cesser ses activités de paris en ligne sur les courses de chevaux se déroulant en France au motif qu’elles portaient atteinte au monopole du PMU. De même, tout le monde se souvient de l’arrestation spectaculaire, le 15 septembre dernier, des dirigeants de la société de paris en ligne autrichienne Bwin, venus en France pour donner une conférence de presse sur leur partenariat avec des clubs de football français. Les clubs de Ligue 1 et 2 ont par la suite été contraints par la Ligue de Football professionnel à cesser toute publicité pour des sites de jeux en ligne.

La réponse des instances européennes ne s’est pas faite attendre. Le 12 octobre 2006, la Commission européenne, saisie sur plaintes de bookmakers, a ouvert une procédure d’infraction contre la France mais également contre huit autres pays européens. Une telle procédure, qui est traitée sur une période allant de un à deux ans, peut aboutir à une condamnation de l’Etat français à une lourde amende.

En adoptant le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance qui contient des dispositions visant notamment à durcir les sanctions contre ceux qui se livrent à de la publicité en faveur des jeux de hasard, la France exprime clairement sa volonté de ne pas céder sous le joug européen. Les paris restent ouverts pour savoir qui remportera ce bras de fer !

 

Michaël MALKA

Avocat à la Cour,
Chargé d’enseignement à l’ESC