Dans un arrêt de principe en date du 23 mars 2017 (Cass. civ. 2ème, 23 mars 2017, n° 16-13350), la Cour de cassation avait admis que « parfois les préjudices subis par les proches d’une victime peuvent être de deux ordres, les uns subis dans leur propre corps, les autres résultant du rapport à l’autre, le déficit fonctionnel permanent et les souffrances endurées relevant du premier ordre, le préjudice affection du second ».
Cette solution a depuis lors été confirmée à plusieurs reprises (Cass. civ. 2ème, 18 janvier 2018, n° 16-28392 ; Crim. 2 avril 2019, n° 18-81917).
Dès lors que le proche est ainsi atteint, par ricochet, dans sa propre intégrité physique et/ou psychique, il doit pouvoir être indemnisé au titre de tous les préjudices qui en découlent, patrimoniaux comme extra-patrimoniaux, tel qu’une victime directe, et ce en sus de son préjudice d’affection de victime par ricochet.
La victime par ricochet doit néanmoins rapporter la preuve d’un préjudice personnel et direct, certain et licite (Cass. Ch. Mixte, 27 février 1970, JCP 1970 II, 16305).
Dans un arrêt en date du 10 octobre 2024 (Cass civ 2ème, 10 octobre 2024 n°23-11736), la Cour de cassation confirme, au visa du principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime, que les bouleversements induits par l’état séquellaire de la victime directe dans les conditions de vie de ses proches constitue un préjudice extra patrimonial exceptionnel qui ne se confond pas avec l’indemnisation de celle-ci au titre de ses besoins d’assistance par une tierce personne.
En l’espèce, les proches d’une enfant de 10 ans lourdement handicapée à la suite d’un accident de la circulation s’étaient vu refuser l’indemnisation de leur préjudice extra-patrimonial exceptionnel résultant des changements dans leurs conditions d’existence entraînés par la situation de handicap de la victime directe.
La Cour de cassation a cassé l’arrêt au motif qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a relevé que la mère de la victime s’investissait quotidiennement, depuis l’accident, dans la prise en charge de sa fille souffrant d’importants troubles neuro-cognitifs et résidant toujours au domicile parental, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé.
Ce faisant, la Haute Juridiction fait preuve de pragmatisme et rend une décision juste qui prend en considération la réalité des bouleversements induits dans les conditions de vie des proches de la victime directe.