En matière de construction privée, la question de l’assurance dommages-ouvrage (DO) reste souvent mal comprise, alors qu’elle constitue une protection essentielle pour le maître d’ouvrage, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’un promoteur.
Un arrêt récent de la Cour de cassation du 3 avril 2025 (n° 23-16.055) vient renforcer ces droits, en posant une limite claire : l’assureur ne peut plus revenir sur sa décision une fois la garantie acceptée.
1. Rappel : qu’est-ce que l’assurance dommages-ouvrage ?
Avant de plonger dans la jurisprudence, rappelons les bases :
L’assurance dommages-ouvrage est obligatoire pour tout maître d’ouvrage faisant construire un bien destiné à être habité (article L. 242-1 du Code des assurances).
Elle a pour but de :
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financer rapidement les réparations des désordres graves,
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sans attendre qu’un tribunal détermine les responsabilités,
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en se retournant ensuite contre les constructeurs responsables.
Concrètement, elle couvre les désordres relevant de la garantie décennale : ceux qui compromettent la solidité du bâtiment ou le rendent impropre à sa destination (fissures structurelles, affaissement, infiltrations majeures, etc.).
2. Ce que dit l’arrêt du 3 avril 2025 : une décision protectrice pour les maîtres d’ouvrage
Dans cette affaire, les maîtres d’ouvrage avaient signalé des désordres après la réception de leur maison.
L’assureur dommages-ouvrage avait accepté la mise en jeu de la garantie, mais refusé ensuite d’indemniser certains préjudices, au motif qu’ils n’entraient pas dans la garantie décennale.
👉 La Cour de cassation a tranché :
Une fois que l’assureur a accepté la garantie dans le délai légal, il ne peut plus revenir sur sa décision, même s’il estime ultérieurement que certains désordres ne sont pas couverts.
Cette position est capitale : elle sécurise la situation du maître d’ouvrage, qui n’a plus à craindre un revirement de l’assureur en cours de procédure.
3. Une portée pratique majeure pour les maîtres d’ouvrage
3.1. Une acceptation de garantie qui vaut engagement ferme
Désormais, l’assureur dommages-ouvrage ne peut pas « se rétracter » après avoir notifié une acceptation.
Cela signifie :
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que les travaux de réparation doivent être pris en charge,
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et que le maître d’ouvrage peut exiger le versement des indemnités sans contestation tardive.
En pratique, il devient donc plus difficile pour l’assureur de refuser une indemnisation après avoir initialement donné son accord.
3.2. Les frais de relogement et de garde-meuble peuvent être indemnisés
Autre apport important : la Cour reconnaît que les préjudices immatériels (comme les frais de relogement temporaire, déménagement, ou garde-meuble) doivent être indemnisés lorsqu’ils résultent directement des désordres couverts.
Cela représente une évolution favorable pour les maîtres d’ouvrage souvent contraints de quitter leur logement pendant les réparations.
3.3. Une clarification sur la solidarité des constructeurs
La Cour réaffirme également que les constructeurs (maître d’œuvre, entrepreneur, etc.) sont solidairement responsablesdes désordres et de leurs conséquences.
Le maître d’ouvrage peut donc agir contre l’un ou l’autre pour obtenir réparation intégrale.
4. Comment cette jurisprudence vous protège concrètement
| Situation | Avant l’arrêt du 3 avril 2025 | Après l’arrêt |
|---|---|---|
| L’assureur DO accepte la garantie | Pouvait parfois revenir sur sa décision | Ne peut plus revenir sur son acceptation |
| Frais de relogement ou de garde-meuble | Souvent exclus de l’indemnisation | Désormais indemnisables s’ils sont liés aux désordres |
| Responsabilité des constructeurs | Parfois limitée selon les contrats | Réaffirmée comme solidaire |
5. Conseils pratiques pour les maîtres d’ouvrage
✅ Avant les travaux
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Vérifiez la souscription de l’assurance dommages-ouvrage avant le début du chantier. Exigez une attestation valable.
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Choisissez des constructeurs assurés (garantie décennale en règle).
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Conservez toutes les pièces contractuelles (plans, devis, factures, échanges écrits).
🧾 En cas de désordre après réception
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Déclarez le sinistre rapidement (dans les 5 jours ouvrés après constatation).
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Demandez une réponse écrite de l’assureur : son acceptation engage sa responsabilité.
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Conservez la preuve des frais supplémentaires subis (relogement, garde-meuble). Ces éléments pourront être remboursés.
⚖️ En cas de litige
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Si l’assureur conteste après acceptation : cet arrêt vous protège !
Vous pouvez faire valoir que toute acceptation écrite vaut engagement ferme, et qu’aucune exclusion tardive n’est valable. -
Faites-vous accompagner d’un avocat en droit de la construction pour défendre vos intérêts (notamment lors d’expertises judiciaires).
6. Pourquoi cet arrêt améliore la confiance dans la construction privée
La Cour de cassation renforce ici la sécurité des opérations de construction pour les particuliers.
En empêchant les assureurs de se rétracter, elle garantit une meilleure stabilité du régime d’indemnisation.
Les maîtres d’ouvrage peuvent donc aborder leurs projets avec davantage de confiance, sachant que leurs droits sont mieux protégés en cas de sinistre.
Conclusion
L’arrêt du 3 avril 2025 marque une avancée majeure pour les droits des maîtres d’ouvrage.
Il rappelle que :
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l’assurance dommages-ouvrage est un droit protecteur, pas une simple formalité ;
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l’assureur, une fois engagé, doit assumer sa garantie ;
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les préjudices immatériels consécutifs (relogement, garde-meuble) doivent être indemnisés.
👉 En résumé : cet arrêt renforce la confiance et la sécurité juridique dans les projets de construction privée.
Pour les maîtres d’ouvrage, il constitue une incitation claire à souscrire correctement l’assurance dommages-ouvrage et à défendre leurs droits lorsqu’un sinistre survient.