Le Parlement européen a enterré le brevet logiciel

15:39 13 septembre in Numérique

Le Parlement européen a enterré le brevet logiciel

Le 6 juillet dernier, les députés européens ont rejeté massivement, par 648 voix contre 14, le projet de directive sur les « inventions mises en oeuvre par ordinateur ». C’est la première fois que le Parlement européen retoque en deuxième lecture une position commune prise par les 25 Etats membres, marquant ainsi l’arrêt du processus législatif. Il faut dire que la dernière mouture du projet, validée par le Conseil européen en mars dernier, faisait fi des nombreux amendements du Parlement sur le texte.

Ce vote marque donc la fin d’un débat qui faisait rage depuis plusieurs années en Europe où le régime de propriété intellectuelle des logiciels est défini par la Convention de Munich du 5 octobre 1973. Rappelons brièvement les termes de la polémique. Il ressort de la Convention de 1973 que les programmes d’ordinateurs ne sont pas brevetables en tant que tels dans la mesure où ils ne relèvent pas d’un domaine technique. Seules sont brevetables les inventions nouvelles apportant une solution technique à un problème technique et susceptibles d’application industrielle. Un logiciel n’est qu’un ensemble de formules mathématiques ayant pour objet de faire fonctionner un ordinateur. Or, un simple algorithme ne produit pas l’effet technique caractérisant une invention brevetable. Le programme d’ordinateur n’en demeure pas moins une création de l’esprit protégeable, à ce titre, par le droit d’auteur. Cependant, de nombreuses entreprises soucieuses de protéger leurs investissements estiment que le droit d’auteur confère une protection insuffisante des logiciels. Il est vrai que, de fait, le droit d’auteur permet seulement de lutter contre la copie servile du logiciel, mais n’interdit pas la reconstitution de l’invention. Ces entreprises ont donc milité en faveur d’une protection des logiciels par le brevet qui octroie à son titulaire un monopole temporaire d’exploitation de l’invention, sur un territoire déterminé, et interdit aux tiers de fabriquer, de vendre ou d’utiliser cette invention sans autorisation. Ainsi, selon ces même entreprises, le brevet logiciel serait un bon moyen de sécuriser l’investissement et, par voie de conséquence, d’encourager l’innovation. Cette revendication a pris d’autant plus de résonance que des pays comme les Etats Unis ou le Japon reconnaissent la brevetabilité des logiciels, ce qui crée de toute évidence un déséquilibre concurrentiel.

Ce lobby extrêmement puissant s’est néanmoins heurté aux défenseurs des logiciels libres (« open source ») à l’instar de linux qui craignent que la brevetabilité des logiciels ne profitent qu’aux grandes firmes. Selon eux, ces grandes entreprises constitueraient rapidement des oligopoles sur le marché du logiciel si la directive instituait une brevetabilité « à l’américaine ». Le brevet logiciel entraînerait en effet des coûts prohibitifs pour les PME et signerait à coup sûr l’arrêt de mort des logiciels libres et de la licence GPL (General Public Licence).

Les opposants à la brevetabilité des logiciels étaient ainsi parvenus à faire voter par le Parlement européen une série d’amendements réduisant considérablement le champ de la brevetabilité des logiciels.

Cette situation avait abouti, ces derniers mois, à un véritable bras de fer entre le Parlement et le Conseil qui s’est soldé par le vote du 6 juillet dernier. Le retour au statu quo est cependant loin de faire l’unanimité dans les deux camps car certaines entreprises ont contourné la rigueur législative en obtenant de l’Office européen des brevets (OEB) la délivrance de brevets « en rapport » avec des logiciels. Il ne serait donc pas étonnant de voir la question de la brevetabilité des logiciels ressurgir d’ici quelques temps en Europe.

Michaël MALKA