Distinctivité de la marque : «vente-privée.com» et «seloger.com» retoquées !

11:38 12 novembre in Marque, Numérique

Distinctivité de la marque : «vente-privée.com» et «seloger.com» retoquées !

Un signe ne peut constituer une marque que s’il revêt un caractère distinctif, ou arbitraire, à l’égard des produits ou services qu’il a vocation à désigner et qui sont visés dans la demande d’enregistrement. Cette exigence trouve une double justification.

Tout d’abord, il est impératif qu’aucune personne ne puisse se réserver l’usage de signes, en particulier de termes ou d’images, constituant la désignation usuelle du produit ou service dans le langage courant et ce, notamment afin de permettre aux concurrents d’utiliser ces signes dans l’exercice de leur activité. Ensuite, un signe ne peut jouer le rôle d’une marque, c’est à dire associer des produits ou services à l’entreprise dont ils proviennent en les distinguant des produits et services du même type ayant une origine différente, que s’il est perçu par le public pertinent, constitué de consommateurs moyens des produits ou services en cause, comme arbitraire à l’égard de ces derniers.

Ainsi, l’article L 711-2 alinéa 2 du CPI dispose : « Sont dépourvus de caractère distinctif :
a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;
b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service
c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. »

Les décisions rendues par la Cour d’appel de Paris le 14 octobre 2014 (seloger.com) et par le Tribunal de grande instance de Paris le 23 novembre 2013 viennent rappeler ce principe et soulignent que l’adjonction d’une désinence en.com ou .fr n’est pas de nature à faire disparaître le caractère descriptif du signe.

La Cour d’appel de Paris va ainsi relever : « force est de constater que pour le public concerné, qu’il soit particulier ou professionnel, le verbe pronominal « se loger », qui est ici un élément dominant de la marque litigieuse, est très couramment utilisé dans ce secteur d’activité, dont l’une des fonctions principales est précisément de faciliter, par la diffusion d’informations, la recherche d’un logement pour permettre de « se loger » ; que l’accolement des mots qui le composent, chacun débutant par une majuscule, est sans incidence sur son appréhension et sa signification habituelle ; que sa combinaison avec les couleurs simples blanche et rouge, sans précision de nuance pour cette dernière, n’est pas de nature à permettre à la marque dans son ensemble de distinguer les produits ou services visés diffusés sur le marché ; (…) que l’autre élément dominant de la marque « .com » appartient également au langage courant, dès lors que son utilisation est fréquente et nécessaire pour la désignation d’un type d’adresse de site Internet ; que l’ensemble n’est pas de nature à permettre à la marque de distinguer les produits ou services visés diffusés sur le marché ; que la marque litigieuse est donc, compte tenu de son caractère usuel et descriptif pour cette catégorie de produits et services, dépourvue de caractère distinctif au regard des exigences de l’article L711-2, a) et b) (…) ».

Le Tribunal de grande instance Paris relève quant à lui : « que les termes vente privée constituaient en 2009 un terme nécessaire pour désigner un service de ventes particulier consistant à offrir lors d’événements limités dans le temps et à un public restreint, parrainé, des produits de marques en nombre limité résultant d’un déstockage. Le fait d’adjoindre la désinence .com à la suite de ces deux mots privés de leur accentuation indique seulement que le service de ventes privées est offert en ligne et non dans des boutiques ; tout public de consommateurs savait en 2009 ce que signifiaient les différents signes « .com », « .fr, » et autres désinences.
Aucun écart entre la combinaison des termes et leur sens usuel n’est établi de sorte que par rapport aux produits ou services, le signe ne crée pas une impression suffisamment éloignée de celle produite par la simple réunion des éléments qui la composent. En conséquence et au vu des services désignés au sein de cette marque verbale, les termes venteprivee.com étaient au jour du dépôt entièrement descriptifs de l’activité pour tout consommateur intéressé c’est-à-dire pour toute personne désirant acheter des produits de marques « dégriffés » en ligne et donc nécessaire pour désigner précisément l’activité des ventes privées.(…) »

Il est donc fortement recommandé de choisir un ou plusieurs éléments fortement distinctifs de par leur caractère arbitraire, dès l’enregistrement de la marque.

Comme le rappelle la Cour d’appel de Paris dans l’arrêt précité, le caractère distinctif d’une marque s’apprécie au regard de tous ses éléments constitutifs pris dans leur ensemble au jour de son dépôt au regard des produits et/ou services désignés et du public auquel les produits ou services s’adressent.

Aussi, lorsque le déposant n’envisage qu’un seul enregistrement de son signe, il peut sembler judicieux de privilégier un signe semi-figuratif, associant un terme verbal et visuel, qui de par son caractère complexe sera en général facteur de distinctivité.

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